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  • Photo du rédacteurP. Laurent

Semer des graines de charité

Dernière mise à jour : 8 mars 2023



Chers amis,


En cette octave béni de l’année, je vous souhaite à tous un Saint et Joyeux Noël. Et une Sainte et Bonne année 2022. Que la Lumière de l’Enfant Jésus dans les bras de la Vierge Marie dissipe toute peur, toute angoisse et vous donne Paix et courage pour cette année nouvelle.


1. Noël à Shantinagar


Je vous écris depuis Asansol, dans le petit village de Banskatia au bord d’un lac artificiel, lieu cher au cœur du père Laborde. Il a passé là plusieurs années comme chapelain des sœurs de Mère Teresa de Shantinagar. Ce couvent dont le nom veut dire « cité de la paix » en bengali, est une véritable petite ville de 17 hectares avec ses maisons, son parc, ses champs et ses rizières pour accueillir les lépreux. C’est l’un des centres les plus importants d’Inde pour les soigner et les opérer. Une centaine d’entre eux sont à demeure n’ayant nulle part où aller. Le père Laborde s’est occupé à l’époque également de la communauté catholique, a construit l’église paroissiale et a fondé un foyer et une école pour les enfants des lépreux. J’ai eu la joie de célébrer la messe du soir de Noël pour les sœurs et les résidents.

La plus grande partie de l’assemblée était hindoue. Cela a été une véritable grâce de voir tous ces sourires et cette ferveur jaillir de ces corps rongés et abimés par la maladie. Et très bouleversant, à la sortie de la messe, de serrer toutes ces mains mutilées. Je célèbre tous les matins chez les sœurs à 6 heures. En traversant le village, je suis salué par des « Joy Jishu » ce qui signifie « Jésus est notre victoire ».


2. Le Covid

La dernière lettre de Bengal Fire vous est parvenue il y a un peu moins d’un an. Le Covid, les suites de la maladie, l’épuisement des trois premières années de mission, ma (courte) visite en France et une lourde charge de travail à mon retour à HSP après mon absence expliquent ce long silence. J’ai attrapé le Covid 19 début avril, sans doute le soir de la Veillée Pascale. Une manière de prolonger pour moi mon Carême et le mystère de la Passion au milieu des réjouissances pascales. Nous avions rejoint les centres de Jalpaiguri avec les cinq volontaires MEP présents à Howrah South Point pour une recollection sur le thème « homme et femme ils les créa ».

Le surlendemain j’ai éprouvé forte fièvre, état fébrile et grande faiblesse. J’ai effectué un test Covid, par acquis de conscience, à mille lieux de penser l’avoir attrapé. J’ai mis quelques minutes à comprendre. Trois autres volontaires MEP sont aussi tombés malades avec des symptômes moins sévères. Un médecin qui avait soigné un ami prêtre nous a envoyé les ordonnances (par WhatsApp !). Nous avons commencé une cure d’Ivermectine, de zync et de vitamines, etc... Après des hauts et bas, au bout de dix jours, j’ai été rétabli. Mais j’ai trainé pendant six longs mois une grande fatigue, au moment où l’Inde subissait la troisième vague.


3. Les ténèbres

Asthénie, état dépressif, lassitude. Ces longs mois, comme une longue nuit d’insomnie ou comme une descente dans les ténèbres ont été une mise à l’épreuve physique et spirituelle. C’est d’abord l’âme qui nous conduit, lieu de l’espérance, et qui nous donne de sourire, au cœur même des tempêtes. J’aime ce poème que connaissait par cœur un prisonnier célèbre injustement détenu. « Dans les ténèbres qui m’enserrent / Noires comme un puits où l’on se noie / Je rends grâce à Dieu quel qu’il soit (…) / Meurtri par cette existence / Je suis debout bien que blessé. (…) / Je suis le capitaine de mon âme. » Il fait écho à ce psaume qui dit : « Mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère ». Malgré la noirceur de certaines journées, autant que possible j’ai tenu bon, pris soin de mon âme et de ma santé pour avancer, porté par une force plus grande que moi.


4. Foi, espérance, charité

Fort de l’expérience d’une dépression sévère, traversée il y a dix ans, je me suis accroché fermement à la foi, avec la certitude que la lumière est toujours présente, même dans l’obscurité. « Les ténèbres devant toi ne sont pas ténèbres. » Il faut avoir espéré de toutes ses forces, contre toute espérance parfois, pour découvrir la force de l’espérance. Elle offre la force de continuer le pèlerinage malgré tout, pour soi-même, pour tous ceux qui comptent sur nous, pour ceux à qui le Seigneur donne d’avancer par une mystérieuse solidarité des âmes dans l’ordre de la grâce. Au milieu de ces difficultés, toute offrande, aussi petite soit-elle, est exaltée et donne force morale. Les secrets cachés de la Croix s’y dévoilent. La foi n’a jamais tant de force que dépouillée, accrochée à la vérité, au milieu des ténèbres. L’amour n’est jamais aussi victorieux que dans un cœur privé de sentiments, qui semble vide.


En octobre, en visite à Jalpaiguri, nous avons de nouveau été confronté au virus puisque notre foyer de Bakuabari a été infecté.

Tous les enfants ont été touchés. Avec les didis qui ont été épargnés, nous avons servi les repas et soigné les malades grâce aux médicaments fournis par le gouvernement local. Une petite fille épileptique a souffert durant une nuit de difficultés respiratoires. Au bout de trois jours, dans la joie et la bonne humeur, tout le monde était rétabli. Pourtant, pendant deux semaines, chaque jour, des infirmiers entièrement couverts, des pieds à la tête, vêtus comme des cosmonautes, sont venus nous faire des tests, comme si nous étions des rescapés de la grande peste noire... !


5. La crise à la lumière du Christ

Entre temps, je suis rentré en France pour un séjour écourté à cause de la situation difficile de l’Inde. Au-delà de la joie de revoir mes proches et mes amis, j’ai été bien navré de ce que j’y ai vu. Je n’ai pas reconnu ce pays qui est le mien, tant la crise sanitaire l’avait défiguré. D’ailleurs, depuis un an et demi, la presse, le monde ne parle que du coronavirus au point qu’il semble être la seule et unique menace du monde moderne. Ayant moi-même traversé la maladie, perdu des amis et vu les conséquences en Inde, je ne veux pas nier les drames qui ont touché le monde. Mais vivant dans un pays où les habitants craignent plus de mourir de faim que d’attraper ce virus, permettez-moi de jeter un regard critique sur cette situation, sous la lumière du Christ et dans l’Espérance de Noël.


Depuis bientôt deux ans, l’alarmisme constant, l’entretien d’un climat de peur, les restrictions de libertés fondamentales et constitutionnelles, l’impossibilité d’un débat contradictoire pacifique, l’intimidation, la culpabilisation et l’ostracisation des opposants semblent être devenus la norme, chaque nouvelle mesure étant justifiée par l’urgence de la situation. Ces mesures provisoires tendent pourtant à devenir permanentes. Notre civilisation s’est bâtie depuis deux mille ans sur la raison grecque et le droit romain ainsi que sur la foi judéo-chrétienne. Il est vrai que ce monde rejette la foi, l’héritage chrétien et la civilisation qu’elle a bâtie. En témoigne la récente proposition de la Commission Européenne de supprimer toute mention de Noël ! Mais peut-on également accepter que l’on rejette les fondements même de la raison ou du droit et de la justice ? Le débat contradictoire respectueux, l’acceptation de dissensus, la prééminence de la raison sur l’émotion fondent la recherche de la vérité y compris scientifique ; les droits fondamentaux et constitutionnels, le droit à un consentement libre et éclairé pour décider de sa santé, le secret médical protègent la dignité de chaque personne. Dans les années 80, à l’arrivée du SIDA, on prenait soin de ne pas stigmatiser les malades. Aujourd’hui on stigmatise tous les non-vaccinés en particulier les soignants que l’on acclamait comme des héros il y a moins d’un an.


6. La théologie de la peur

Un climat de peur a paralysé les esprits jusqu’à devenir plus menaçant que l’épidémie elle-même, entraînant drames et suicides. La guérison d’un malade n’est-elle pas facilitée par la confiance et les encouragements ? Il en va de même pour les malades du péché que nous sommes. Jean Delumeau a bien décrit les limites de la théologie de la peur qui a longtemps dominé dans l’Église avec le Jansénisme. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus nous a heureusement ouvert la petite voie de la confiance. La peur n’est pas le meilleur stimulant pour appeler à guérir ni pour appeler au salut. Elle altère également le jugement, nous fait croire aux mensonges et nous conduit à la servilité. Comme dit le pape François, « La peur nous rend infidèles à nous-mêmes ». J’ai moi aussi cédé à la peur et à la sidération l’année dernière, lors des premières semaines de l’épidémie avec des écoles fermées et nos foyers vidés de leurs enfants. Mais j’ai été sauvé par le désir de venir en aide aux populations les plus pauvres touchées par le drame du confinement, familles démunies enserrées dans les slums, au risque même d’attraper la maladie. La compassion mieux que la peur aide les malades à se rétablir. Elle disparaît des hôpitaux où les technocrates promeuvent une logique de l’efficacité et du profit. La compassion est ce signe de Dieu présent donné aux pauvres. Comme il est loin, le temps où Ambroise Paré, l’inventeur de la chirurgie pouvait dire « Je le pansais, Dieu le guérit ». Pourtant, qui est le véritable médecin, sinon le Verbe Créateur ? Dans les slums de Calcutta, à l’époque du p. Laborde, Mother Aimée de Notre Dame des Missions soignait les malades grâce aux remèdes qu’elle avait placés pendant la nuit aux pieds de la Croix pour les rendre plus efficaces.


C’est le service des pauvres qui est la boussole de la justice. Si les 2,5 millions de morts du Coronavirus en 2020 (soit 4% des décès annuels dans le monde) ont tant mobilisé la presse, qui donc a évoqué les 9 millions de décès dus à la faim (dont 3 millions d’enfants) ? Ce drame scandaleux qui dure depuis des décennies a fait depuis 50 ans un demi-milliard de morts dans le monde. Si le but de la santé publique est de sauver les vies des plus faibles, qu’avons-nous fait pour ceux-là ? Nous avons pourtant un “vaccin”. La nourriture gaspillée chaque année, qui représente un tiers de ce qui est consommé, suffirait largement à éliminer la faim dans le monde. Pourquoi nos dirigeants montrent-ils une telle détermination à éradiquer ce virus (sans tellement de succès) et si peu pour éradiquer la faim ? Évidemment dans ce dernier cas, pas de sésame financier à la clé. Il faut choisir entre Dieu et Mammon. Nous ne pouvons servir deux maîtres. La pauvreté a terriblement augmenté l’année dernière à la faveur des mesures draconiennes, tandis que les riches devenaient plus riches. Les Nations Unies parlent de 130 millions de pauvres supplémentaires aujourd’hui, qui pourraient rapidement devenir 500 millions. Nous en voyons les effets ici, avec le triple de familles affluant à HSP pour demander de l’aide.



7. L’avertissement de Soljenitsyne

Les mesures autoritaires de nos démocraties dans la gestion de cette crise témoignent d’une vision de l’homme déshumanisée.

En imposant les masques, elles ont mis à mal l’hospitalité des visages, en imposant la distanciation sociale et l’isolement, elles ont compromis notre besoin vital de relation. Comme les totalitarismes elles nous asservissent en prétendant nous libérer ou agir pour notre bien. Des forces de police hollandaises ont tiré à balles réelles sur des manifestants. On enferme les malades dans des camps en Australie et en Autriche les non-vaccinés sont totalement privés de vie sociale. Selon Soljénitsyne, nous ne sommes jamais à l’abri du totalitarisme : « Il y a toujours cette fausse croyance : “ici, cela n’arrivera pas ; de telles choses sont impossibles chez nous.” Hélas, il n’y a pas un endroit sur la terre où les horreurs du XXe siècle soient impossibles. » Récemment, la Présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen a proposé de supprimer le Code de Nuremberg. L’affranchissement de ces principes de droit et de justice n’est ni plus ni moins que le refus des leçons de la Deuxième Guerre Mondiale et des horreurs nazies. Cette course effrénée à la manipulation du vivant et la maîtrise du monde risquerait alors de provoquer de nouveaux crimes contre l’humanité.


Le transhumanisme promeut un monde sans nations, sans familles, sans limites, sans frontières ni physiques ni éthiques pour permettre la totale autodétermination de l’homme sur son corps et sa vie, pour son plaisir et sa jouissance. Le Cardinal Ratzinger comparait cette logique à celle des camps de concentration : « Ils préfiguraient le destin d'un monde qui court le risque d'adopter la même structure que celle des camps de concentration, si la loi universelle des machines était acceptée. […] Selon cette logique, l'homme doit être interprété par un ordinateur, ce qui n'est possible que s'il est converti en nombres. La bête est un nombre et transforme en nombres. Dieu, quant à Lui, a un nom et nous appelle par notre nom. » Ce projet est bien loin de ce que nous avions imaginé dans le grand élan d’optimisme qui avait saisi l’humanité lors du premier confinement.

Les hommes ébahis admiraient la beauté de la planète bleue qui émergeait lentement du brouillard de la pollution à la faveur de l’arrêt mondial des activités. Les dauphins revenaient peupler le Gange ou le port de Sardaigne, les loups s’emparaient des pistes de ski et le chant des oiseaux reprenait possession du silence dans les villes.


8. La crise est spirituelle avant tout

Ne sous-estimons pas la dimension spirituelle de cette crise. La prétention de notre société de maîtriser un virus en quelques mois et par tous les moyens était sans doute d’emblée vouée à l’échec. La science devenue comme une nouvelle religion moderne, ne peut pas nous sauver. « Malheur à l'homme qui se confie en l'homme » avertit le prophète Jérémie. A cause de sa supériorité technologique, l’Occident s’est assoupi. « Mais le combat pour notre planète, physique et spirituel, un combat aux proportions cosmiques, n'est pas pour un futur lointain ; il a déjà commencé. Les forces du Mal ont commencé leur offensive décisive », déclarait Soljénitsyne aux étudiants incrédules d’Harvard. Nous nous croyons à l’abri, protégés par notre liberté sans limites et une science sans éthique alors que nous avons abdiqué notre responsabilité morale et spirituelle sur le monde et oublié notre âme.


9. Noël et le retour du Christ

La situation inédite de ces deux dernières années semble confirmer une affirmation de Gabriel Marcel en 1951, « Nous sommes entrés dans l’âge eschatologique. » Et peut-être cet âge atteint-il aujourd’hui son sommet. De même qu’à l’époque de la Venue du Christ, le monde s’agitait, de même, à l’approche de son Retour que nous avons tant médité pendant l’Avent, le monde est en ébullition. A l’époque de Marie, de nombreuses prophéties étaient présentes à l’esprit des juifs : celle de Jacob dans la Genèse, les soixante-dix septénaires de Daniel ou la Vierge qui doit enfanter dans Isaïe. « Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » nous rapporte l’Évangile de Luc soulignant la réalité de l’attente. De nombreux “candidats” se présentèrent comme Messie, comme le laisse entendre Gamaliel dans les Actes des Apôtres. Cette attente était présente aussi chez les païens.

Virgile rapporte l’oracle de la Sybille de Cumes (« Un enfant nouveau-né sous le règne de l’Empereur Auguste éliminera la génération de fer et suscitera par tout le monde une génération d’or »), de même que chez les historiens Tacite ou Suétone affirmant qu’un dominateur du monde viendrait de Judée. Aujourd’hui nous ne pouvons pas dire que dans cette période de l’Avent beaucoup d’entre nous soient dans l’attente du Retour du Christ et de la restauration universelle promise par l’apôtre Pierre. Pourtant de nombreux signes des temps existent, bruits de guerre, tremblements de terre, sans parler des nombreuses prophéties mariales. Beaucoup font des choix radicaux personnels ou professionnels qui bouleversent leur existence. La collapsologie fait recette. Dans le quartier de Belleville à Paris, les librairies musulmanes affichent des livres aux titres sans équivoque : « Le retour du Christ ». Et les chrétiens ? Quoiqu’il arrive et quelles que soient les épreuves qui précèdent ce retour, le Cœur Immaculé de Marie est notre Arche de Noé, l’Espérance et la Joie du Christ sont notre rempart. Ici, en Inde, j’essaye de cultiver mon petit jardin et de semer des graines de charité dans mon quotidien en attendant que la Terre toute entière refleurisse.


10. La vie simple de Howrah

Les conditions ici sont toujours aussi spartiates, mais je crois que je commence à m’habituer. Cette vie simple est une grâce même si je mesure combien il est difficile de se détacher de son confort. A vrai dire, c’est une ascèse quotidienne, l’effort d’accueillir chaque jour l’inconfort.

C’est parfois plus difficile que de réaliser des actes héroïques ! Tous les jours j’essaye de me mettre à hauteur de ces enfants qui nous ont été confiés. Je prends tous les repas avec eux, assis par terre en tailleur. Je mange avec la main droite. Dès la sortie du centre je suis assailli par le bruit et la pollution, la saleté de la voierie. Pourtant je n’ai pas à me plaindre. On prend très bien soin de moi, j’ai trouvé désormais mon rythme et mon inconfort est bien loin d’approcher celui qu’a vécu le p. Laborde. Le Seigneur ne nous donne jamais de croix trop lourdes à porter et les grâces qu’elles donnent sont précieuses pour avancer.



11. Les trois mondes de l’enfance, du handicap et de la pauvreté

Je suis entré dans trois mondes différents. Le monde de l’enfance. Le monde du handicap. Le monde des pauvres. Entrer dans ces trois mondes, aux périphéries de l’existence qui nous dévoilent la réalité, c’est commencer à voir le monde tel qu’il est. Dans ces trois mondes, qui n’en forment qu’un – le monde des petits – je perçois qu’une seule chose est importante. Un ministère de présence. Une présence exigeante, engagée, qui requiert de se mettre à l’écoute des sans voix, de se mettre à hauteur de visage, de se rendre vulnérable à des drames a priori si éloignés de nos existences. Une présence qui exige de faire siennes toutes les préoccupations, les inquiétudes, mais aussi les joies de ces pauvres. Finalement rien de plus (ni de moins) qu’une présence. Lorsque le matin je parcours rapidement le journal, quelques pages sont dédiées à la vie locale de Calcutta. Je me rends compte du gouffre qui sépare désormais le monde où je vis de ce monde-là.


C’est d’abord le monde de l’enfance. J’habite avec une cinquantaine d’enfants. Dans tous les centres, ce sont eux qui m’accueillent d’abord. Ces communautés sont bouillonnantes, débordantes de vie, intensément vivantes et merveilleuses.

Ces enfants, issus du monde des pauvres, m’ouvrent aux réalités cachées de la vie des slums, là où tant de drames quotidiens révèlent à la fois la fragilité de l’existence et la grande dignité des hommes et des femmes. « Au cours de mon travail dans les taudis, j'ai appris que c'est précisément les plus pauvres qui comprennent le mieux la dignité humaine. » disait Mère Teresa. Ces enfants, avec leur fraicheur et leur spontanéité me semblent bien fragiles et démunis face à toutes les tentatives de notre monde de subvertir l’innocence. « La civilisation moderne n’est qu’une vaste conspiration contre toute espèce de vie intérieure » écrivait Bernanos. On pourrait aussi dire : une conspiration contre l’enfance, tant le monde moderne transforme ces petits êtres et les rend, de manière prématurée, blasés, désabusés, désenchantés. Au contraire, les enfants de nos centres se rassemblent à chaque avion qui passe, admirent les feux d’artifices, s’émerveillent devant un insecte tout coloré et accourent me partager leurs découvertes. L’émerveillement est cette vertu qu’il importe tant de retrouver pour redevenir pleinement humain.


Je suis entré également dans le monde du handicap. J’ai reçu ces confidences pudiques d’enfants handicapés, entendu leur souffrance mais aussi leur fierté d’avoir traversé tant d’opérations pour retrouver un usage normal de leurs pieds. J’ai admiré leurs sourires qui viennent du ciel, alors que leurs corps tordus disent la souffrance de ce monde qui passe. Mais j'admire aussi la grâce des jeunes filles handicapées lorsqu'elles dansent, ou bien la détermination des garçons handicapés de Mograndangi qui jouant en équipe contre les dadas nous infligent une correction au football !


Je suis entré dans le monde de la pauvreté.

Tous les matins des personnes apportent, au centre d’EPN où j'habite, leurs soucis et inquiétudes pour l’avenir, leurs souffrances du quotidien, leurs difficultés à s’occuper de leurs enfants, leur inquiétude l’aveu de leur impuissance, leur confiance en Dieu avec le sentiment intense de l’éphémère de leur condition. Je visite également les familles chez elle, pour comprendre leur quotidien. Comme disait le père Laborde, « il ne faut pas attendre que les pauvres viennent à nous,

mais c’est à nous d’aller vers eux ». Des drames quotidiens se révèlent, tissés de

violence, particulièrement envers les femmes et les filles, et la condition de ces mères, abandonnées par leurs maris, élevant leurs enfants seules ou bien cohabitant avec des hommes alcooliques, me bouleverse. Mon bengali encore un peu hésitant me permet d’ouvrir mon cœur à tant de confidences. Si je ne peux aider tout le monde, comme dit Mère Teresa, je peux essayer de commencer à aider ceux qui sont autour de moi.


12. Un ministère de présence et d’écoute

J'accorde également plus de temps à ce ministère de présence et d’écoute.

Je visite un centre de HSP chaque semaine pour dire la messe et être avec les uns et les autres. Je prends du temps pour parler avec enfants et adolescents, je m’assois aussi avec les didis pour écouter leurs doléances et donner quelques idées ou conseils. Je continue mon apostolat quotidien de la Sainte Famille, apprenant aux enfants la proximité de Jésus Marie et Joseph dans leurs vies. Nous avons inauguré et béni une statue de la Vierge Marie et une statue de saint Joseph à l’occasion de l’année décrétée par le Saint Père. Les enfants déposent des intentions de prières aux pieds des statuettes.


Lors de la bénédiction du soir, les enfants me souhaitent souvent avec toute la fraicheur de leur innocence de faire de beaux rêves et de rêver de Jésus et de Marie ou de Joseph ! Je leur donne de petites leçons spirituelles, sans bien savoir si celles-ci portent du fruit. L’autre jour, comme chaque matin c’était la bataille entre le groupe des garçons et celui des filles pour savoir qui passera le premier au service du petit déjeuner. Après avoir demandé aux garçons d’avancer, deux filles de 11 ans m’ont alors dit : il ne faut pas toujours dire moi, moi ! mais trouver sa joie dans la joie des autres !!! J’étais le premier surpris d’entendre, si bien répétée, la leçon semée dans des cœurs que je croyais inattentifs…


13. En janvier Asansol et les slums de Santoshpur

Cette année aura commencé et finit par Asansol. J’ai visité le centre en janvier que je n’avais pas vu depuis près de trois ans… J’ai participé à une messe pour le décès du p. Laborde. Comme dans l’Église orthodoxe, c’est une tradition ici de marquer les quarante jours de départ d’un défunt par une messe. J’ai pu admirer le clocher de l’église enfin terminé et assister à l’inauguration d’une plaque à la mémoire du père.


De retour à Howrah, j’ai passé beaucoup de temps à trier les papiers du P. Laborde, une manière de prolonger sa présence. Il avait soigneusement conservé toutes ses lettres, beaucoup de papiers concernant ses différents ministères, des retraites données aux sœurs de Mère Teresa, et surtout beaucoup de cahiers où, selon la tradition du Prado, il recopiait les Évangiles en le parsemant de réflexions spirituelles. Une mine d’or qu’il faudra un jour exploiter… J’ai inauguré un nouveau chemin pour aller au Head Office de Andul Road, passant à pied par un quartier musulman où tout le monde m’appelle “doctor”, ce qui change un peu de “father” et où de magnifiques lotus, en ce mois de janvier fleurissent sur les bords d’un immense pukur, un étang artificiel comme ceux qui émaillent toutes les villes et villages bengalis. J’ai été tellement émerveillé de la beauté de ces fleurs, que le vendeur de la petite échoppe voisine s’est précipité dans l’eau jusqu’aux genoux pour aller cueillir une fleur. Je l’ai ramenée à Ashaneer et donnée en offrande à Marie dans le petit oratoire dressé à l’entrée du centre, avec la photo du p. Laborde.


Le lotus est un symbole de la sagesse, et il est également associé à la pureté et à l’éveil spirituel, notamment dans le Bouddhisme. Il est frappant de voir en effet ces fleurs aux couleurs délicates sortir des eaux boueuses des marécages. Il symbolise ainsi le sage qui s’élève des réalités matérielles pour s’élever vers la lumière. La plante de lotus est d’ailleurs connue et utilisée en aquaculture pour son action purificatrice.

Ce symbole a été repris par les chrétiens qui y reconnaissent une adéquation parfaite avec le parcours spirituel chrétien, s’élevant de la boue du péché pour être purifié par la lumière de l’Esprit Saint. Au centre Jésuite de Dhyan Ashram où je vais régulièrement me ressourcer, Marie et Jésus sont représentés dans une fleur de Lotus.


Une autre visite marquante le 13 janvier, a été la visite des communautés d’un programme de santé à Santoshpur et Kanchantalan, le long de la Hooghly, dans les quartiers pauvres et les slums de Calcutta. J’ai également visité des familles à Banipur des familles pauvres.

Là-bas, un local très simple est utilisé par les équipes des dispensaires mobiles pour donner des soins de base et orienter vers d’autres examens à l’hôpital. Nous sommes ensuite partis vers le slum situé de l’autre côté de la voie ferrée. Deux petits enfants étaient en train de remplir des récipients d’eau au milieu d’un champ de détritus. Image révoltante. Visitant les familles, on trouve généralement les femmes et les filles au travail. Malheureusement les hommes et les garçons sont trop souvent désœuvrés. Passant près d’un local, j’avise une dizaine de garçons et d’adolescents rivés à leur téléphone. Ils ont à peine levé la tête... Plus loin, des enfants jouent avec de grands ballots blancs. Derrière le slum on aperçoit la briqueterie qui donne du travail à une grande partie des habitants. Ce sont les migrants qui travaillent là pendant la saison sèche avant de repartir dans leur village d’origine. Sur la digue des femmes lavent leur linge. Nous traversons un quartier qui n’a pas de pompe à bras et donc pas d’eau courante. Les femmes sont obligées d’aller à pied jusqu’à la Hooghly pour rapporter une eau infestée de microbes et de parasites.


14. Le mariage de Priti

Le grand événement du mois de février, c’est le mariage de Priti, une jeune fille de HSP devenue orpheline. C’est un mariage “arrangé” comme beaucoup de mariages pour que les deux familles y trouvent leur compte. Difficile à concevoir pour nous qui sommes habitués aux mariages d’“amour”… qui durent souvent le temps des sentiments.



Deux jours avant– c’est toujours ainsi en Inde – je reçois un coup de fil de Nabaneeta pour m’annoncer que je dois jouer le rôle du père de la jeune fille. Les pauvres dans les slums sont capables de s’endetter et dépenser des fortunes pour les fêtes, afin d’offrir un moment de joie inoubliable et d’oublier leur condition. Ici à HSP, la cérémonie sera simple. Dans le mariage traditionnel hindou, il y a d’abord le Biyebari, cérémonie de la famille de la jeune fille que nous avons organisée à Ashaneer. Le lendemain, c’est la famille du marié qui reçoit. Lors du Bou bhaat la nouvelle mariée doit alors faire preuve de ses talents de cuisinière. Le Biyebari se décompose lui-même en plusieurs rituels, que le purohit, le prêtre hindou officiant – un de nos teachers de l’école d’EPN – m’a détaillés. Les cérémonies commencent par le Gaye Holud, où chacun vient recouvrir la figure et parfois le cou et les épaules de la future épouse d’une pâte de curcuma. Le curcuma est connu pour ses propriétés sur l’épiderme, antioxydante, nettoyante… et va donner aux visages des deux époux (la même cérémonie advient pour le jeune homme) leur éclat caractéristique. Ensuite, les deux époux vont être préparés pour la cérémonie proprement dite. La préparation de la mariée est très élaborée, elle va être maquillée, et ses mains et ses pieds décorés de henné.


Le rituel le plus émouvant pour moi fut celui du Konya Dan (don de la jeune fille).

Selon le Hindou Shastra, les Écritures hindoues, la jeune fille est traitée comme la déesse Lakshmi et le jeune homme comme le dieu Vishnu. La future épouse est considérée comme ayant été envoyée par Dieu dans la maison de son père, mais destinée à son fiancé. Le père est chargé de compléter l’action de Dieu. Au cours de la cérémonie, il remet sa fille au jeune homme en lui demandant de la rendre heureuse avec tout son cœur. Symboliquement, il prend la main de sa fille et la met dans celle du jeune homme.


Puis vient Subho Drishti, le premier échange de regard entre la fiancée et le fiancé le jour de leur mariage au milieu des mantras lus par le purohit. Ensuite il y a le Phera and Saatvachan, échanges de promesses des époux en tournant autour du feu (mawankund). L’épouse demande à l’époux de tenir sept promesses, toutes relatives à la vie du foyer, à la patience… Tandis que l’époux en fait faire cinq à son épouse, toutes liées à la confiance. Puis vient le Sindoor dan, le don à l’épousedu symbole qui va lier les deux époux. L’époux met du sindoor, un pigment rouge, sur le front de l’épouse. Elle s’en revêtira désormais chaque matin pour signifier le lien qui les unit pour la vie. Enfin vient le dernier rituel du mariage, le Mala Bodal ou échange des guirlandes de fleurs entre les époux.


Février a vu l’arrivée de quatre nouveaux volontaires MEP pour HSP. Clément, Jeanne et Irène sont arrivés par le même avion, tandis que Raphaël arrivait quelques semaines plus tard rejoignant Florence déjà présente.



Les trois premiers ont apporté une aide d’animation à nos foyers, respectivement Ekprantanagar, Baksara et Mogradangi, tandis que Raphaël est venu donner une aide au siège d’HSP à Ashaneer. Il est toujours présent après un an, dans l’attente du renouvellement de son visa pour une deuxième année. Nous sommes reconnaissants pour leur engagement, pour le soutien des MEP, pour toutes les idées semées qui porteront des fruits. Nous sommes surtout remplis de gratitude pour l’humble ministère de présence qu’ils ont découvert et accompli, ce ministère qui transforme peut-être plus celui qui le donne que ceux qui le reçoivent.


J’ai eu la joie de partir découvrir le centre de Uluberia du frère Gaston, membre du Prado, longtemps associé au p. Laborde dans le slum de Pilkhana, il est une des figures de Calcutta et de la Cité de la Joie.

Il a créé des dizaines d’associations qu’il a ensuite remis entre les mains des Indiens. Il termine sa vie dans un des centres qu’il a créés, Icod, où il a accueilli ceux dont personne ne voulait, des personnes lourdement handicapées, des pauvres. Le centre, situé aux bords de la Hooghly, est composé de maisons traditionnelles qui valorisent la culture locale. Je retrouve là des adultes qui ont passé leur enfance à HSP, notamment des personnes handicapées qui étaient à Bakuabari. J’ai assisté aux talents de réalisation d’un rangoli ou alpana. L’art du rangoli est un art domestique : des motifs géométriques circulaires ou des motifs tirés de la nature sont réalisés avec du sable coloré ou de la peinture, à même le sol. La maison ainsi décorée signifie la bienvenue aux visiteurs lors d’une fête. Une des jeune filles hébergées, sans autre modèle que son imagination, a réalisé sous nos yeux un magnifique motif.


15. Visite du Morning Star et promenade dans les wetlands

En mars j’ai pu aller au séminaire du Morning Star, invité par les professeurs pour un temps de repos et un temps de partage fraternel. Le séminaire, soumis à des restrictions à cause du Covid hébergeait toujours une cinquantaine de séminaristes. Le lendemain de mon arrivée, j’ai assisté à une véritable pêche miraculeuse. Comme partout au Bengale, dans les vastes terrains qui entourent le séminaire on trouve de nombreux pukur (étangs) où sont élevés des poissons. De temps en temps les séminaristes partent à la pêche. L’exercice consiste à tirer à la main un long filet vers une des rives et à attraper les poissons à la main. Nous avons écumé deux pukur et ramassé soixante kilos de poissons !




J’ai également pris un temps de détente – une fois n’est pas coutume – en partant me promener dans les wetlands, la zone Est de Calcutta. Elle est constituée de zones humides vers lesquelles convergent toutes les eaux usées de l’agglomération de 15 millions d’habitants. La flore permet l’épuration naturelle des eaux chargées en matières organiques. C’est un lieu vraiment magnifique, utilisé pour l’élevage piscicole et pour l’irrigation agricole, peuplé de villages de pêcheurs et à l’écart du bruit et de la pollution. On y retrouve la vie traditionnelle bengalie.





16. Le Covid et la visite de Kalimpong

En avril, j’ai célébré la messe du matin de Pâques à Ekprantanagar pour la joie de tous.

Nous avons également inauguré une chasse aux œufs de Pâques avec les enfants. Ils ont déployé tous leurs talents pour la décoration des œufs. Le matin de Pâques la chasse dans le jardin a déclenché une véritable explosion d’enthousiasme et de joie chez les enfants, même les plus âgés. Après une récollection à Jalpaiguri avec les volontaires sur le thème « homme et femme il les créa », nous sommes tous tombés malades du Covid. Après ma guérison et mon retour à Howrah, j’ai décidé de prendre quelques temps à Kalimpong pour me reposer. La situation se dégradant en Inde, j’ai également décalé mon départ en France prévu après les trois premières années de mission. Là-bas, j’ai retrouvé les sœurs de Cluny, dans un cadre agréable, et j’ai pu faire de longues marches à pied pour découvrir les beaux ciels himalayens de cette station de montagne. La situation m’a empêché de revenir à Pédong et Mariam Busty sur les traces de nos aînés MEP. Je suis ensuite retourné passer quelque temps à Bakuabari dans nos centres où sont nés quelques veaux et velles que l’on m’a demandé de baptiser. Il y a eu, Goru, Shukla, Milky, et en souvenir de notre temps de maladie – la petite velle étant né à ce moment – Koruna, qui signifie miséricorde en bengali.



Dans chaque centre où je passe, je ne cesse de m’émerveiller de l’amour. L’amour c’est être choisi. Sans raison. Sans cause. J’ai été adopté comme un baba. Recevoir l’amour d’un enfant c’est à la fois un émerveillement et une exigence. Ces petites vies qui nous sont confiées ont parfois déjà traversé beaucoup d’épreuves. Des violences, le deuil d’un frère, d’une sœur, d’un parent. Nous les accompagnons comme nous pouvons. Les visites des familles dans les briqueteries ou dans les slums révèlent le monde de violence et de souffrances dans lequel ils vivent. Des fragilités, des blessures apparaissent dans les relations affectives et réclament beaucoup de tact et d’intelligence du cœur pour donner selon ce qui est nécessaire, pour faire mûrir l’affectivité, éviter les pièges de la jalousie et lentement enseigner l’autonomie. Dans cet amour le grand modèle c’est l’amour du Père, l’amour unique de Celui qui nous a sortis du néant pour nous donner l’existence et qui nous relève encore pour nous rendre à la liberté.


17. Le retour en France après trois ans de mission

Début juin, toujours présent en Inde, et ayant finalement programmé mon départ pour la France au 15, grâce à une amélioration notable de la situation, les centres de Howrah et de Jalpaiguri m’ont presque supplié de célébrer mon anniversaire chez eux. Ici l’anniversaire est une grande occasion surtout lorsqu’il s’agit du father ! Le 28 février est chaque année l’occasion de réjouissances à HSP pour célébrer celui de father Laborde, même s’il nous a quittés. Je me suis donc prêté au jeu et pour fêter mes 50 ans, j’ai décidé d’offrir un repas de fête à tous les enfants et les didis et dadas des neuf centres de HSP.

Le menu comprenait notamment du mouton, un plat de choix que les enfants ont rarement l’occasion de goûter. Je crois que cet anniversaire à Bakuabari, au milieu de la joie de tous les enfants et adultes handicapés est le plus joyeux anniversaire que j’ai jamais fêté ! Quelques jours après c’était le tour de Florence juste avant de partir pour la France après un fructueux volontariat d’un an et demi, en ayant traversé le temps difficile de confinement. De retour à Howrah, j’ai été fêté également à EPN, dans le centre qu’affectionnait tant le p. Laborde pour la joie des enfants. Mon cadeau d’anniversaire – le plus beau que j’ai probablement jamais reçu – c’était de pouvoir inaugurer, le matin même, une nouvelle saison de distribution alimentaire d’urgence.


En juin je suis enfin retourné en France. J’ai été émerveillé et ébloui par les paysages et la beauté de la France. Tous ceux qui visitent la France s’exclament : « la France est un jardin ! » J’ai aussi pu partager avec des amis ce que je vivais en Inde. Mais j'étais pressé de rentrer. Je crois que je commence à prendre racine en Inde. Je termine ici cette longue lettre et vous raconterai très bientôt les six derniers mois de l’année. Bonne et Sainte année à tous !


Lots of love


Laurent +

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